Agir de façon éthique en entreprise
Au sens général du terme, l'éthique s'entend comme un courant philosophique ayant pour axe essentiel le jugement de valeur. Il s'agit d'un ensemble de principes, de comportements, de recommandations, définis comme moralement acceptables et qui gouvernent les comportements des uns et des autres dans leurs agissements.
En la transposant dans un cadre professionnel, en entreprise notamment, on parlera d'éthique d'entreprise. L'éthique en entreprise sera alors définie comme un ensemble de règles universelles, de principes connus de tous, relatives aux mœurs, à des valeurs permettant de distinguer le bien du mal, le vrai du faux, et d'opérer suivant une certaine transparence en entreprise. Elle s'apparente à un code éthique entreprise, un ensemble de valeurs déontologiques, exprimant la conscience qu'a une entreprise des responsabilités qu'elle a envers l'ensemble de ses parties prenantes. Il sied par ailleurs de noter que la question de l'éthique en entreprise s'appréhende différemment, selon que l'on se trouve en Europe, ou dans des pays anglo-saxons.
Si l'approche anglophone saisit l'éthique en entreprise au sens d'une morale des affaires, celle européenne est plus exigeante et tient compte de bien d'autres modalités. Cette dernière intègre en effet des exigences légales, à travers un cadre réglementaire. Les axes principaux sont la Loi Sapin 2, la loi sur le devoir de vigilance, la directive européenne sur le reporting, ainsi que des démarches volontaires que sont la charte d'éthique d'entreprise et les règles de déontologie.
L'éthique d'entreprise a l'avantage de permettre :
- une harmonisation des comportements ;
- un renforcement de la confiance de la clientèle de l'entreprise ;
- un accroissement de sa compétitivité ;
- une amélioration de son image de marque ;
- une optimisation de sa valeur.
L'éthique des affaires
L'éthique des affaires est un ensemble de règles, de codes ou de principes, régissant les décisions des entreprises, organisations et institutions, de manière à ce qu'elles fassent de la morale et de la transparence en leur sein, des priorités. Elle s'entend comme un ensemble de principes et de règles permettant de distinguer les bonnes attitudes des mauvaises, dans le cadre spécifique de la vie de l'entreprise et de l'éthique au travail. Dans le cadre du comportement et du développement organisationnels, l'éthique des affaires est encore appelée éthique organisationnelle. Elle est une forme de droit et d'éthique des affaires, appliquée à un domaine précis et qui établit :
- les règles et valeurs éthiques dans le cadre des affaires économiques et commerciales ;
- les questions d'ordres moral et éthique pouvant se poser dans le cadre d'une activité économique ;
- les devoirs et obligations auxquels sont liées toutes les personnes exerçant des activités d'échange et de commerce.
De fait, droit et éthique des affaires se basent fondamentalement sur l'éthique normative, qui veut que les exigences éthiques spécifiques soient défendues puis appliquées, en vue de distinguer ce qui devrait être fait de ce qui ne devrait pas l'être.
Par ailleurs, il importe d'insister sur la nécessité pour l'entreprise de former ses collaborateurs par des cours d'éthique d'entreprise. Une formation professionnelle d'éthique d'entreprise à l'endroit de ses collaborateurs permettrait à l'entreprise non seulement de mettre en place les bases d'une politique efficace en matière d'éthique, mais aussi d'assurer le bien-être des salariés et des entités externes composant ses parties prenantes. A travers une formation sur le code éthique en entreprise, il serait tout à l'avantage de l'entreprise de sensibiliser ses collaborateurs aux risques et aux enjeux de l'éthique. Ainsi ils pourraient remarquer l'intérêt de l'éthique et la manière dont elle peut devenir un avantage compétitif majeur pour eux. Mieux, il faut multiplier les occasions de parler d'éthique en entreprise, dans la mesure où les salariés se sentent toujours concernés par les actions menées par leur entreprise sur le plan de l'éthique.
Dans leur grande majorité, ils admettent que l'optimisation et l'évolution des pratiques éthiques dans leur entreprise a rendu le climat de travail plus apaisé et augmenté leur productivité. Mais en amont, il est opportun de réaliser une évaluation, d'opérer un état des lieux impliquant managers, dirigeants, et salariés de l'entreprise. Une telle approche permettra déjà de mettre à nu les dysfonctionnements, enjeux et attentes de chacun de ces acteurs, quant à un engagement éthique. Une telle initiative favorisera en son temps, l'acceptation des décisions prises.
L'élaboration d'un document de référence, notamment d'une charte éthique est aussi une solution de mise en place d'un cadre facilitant l'intégration des fondamentaux de l'éthique d'entreprise par les collaborateurs. Il s'agit d'un document qui recense les valeurs fondamentales de l'entreprise, ainsi que ses principes d'action. Selon la taille de l'entreprise, ce document peut aussi être un code de conduite, un guide des bonnes pratiques. A l'adoption d'un document, il faut ajouter la mise en place d'une politique de communication interne de l'engagement éthique de la société (création de visuels de référence, organisation d'une journée de l'éthique). Pour superviser le tout, l'entreprise peut recourir à un référent (responsable de l'éthique).
La mise en place d'une politique d'éthique en entreprise efficace suppose logiquement la réduction des risques d'infractions au sein de l'entreprise, l'idée étant de privilégier la transparence en entreprise. Il s'agit donc pour l'entreprise de s'engager dans la lutte contre les manquements à la probité. A cet effet, la loi Sapin 2 sert de référence aux entreprises, organisations et structures qui souhaitent intégrer dans leur programme de conformité les exigences de prévention des faits de corruption ou de trafic d'influence. La loi Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, a pour objectif de répondre aux attentes des entreprises en matière de transparence, d'éthique et de justice économique. La loi Sapin 2 anti-corruption est ainsi basée sur le renforcement de la transparence, la lutte contre la corruption, ainsi que la modernisation de la vie économique. Ici, droit et éthique des affaires vont de pair, à la faveur d'un cadre légal de contrôle des exportations dans le respect du droit de la concurrence.
Le devoir de vigilance
Le devoir de vigilance est une exigence à travers laquelle la prévention des violations des droits humains et des dommages environnementaux est désormais une priorité pour les multinationales. Il s'agit d'une obligation qui est faite à l'endroit des entreprises donneuses d'ordres, afin de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance se rapportant à leurs activités. Mais elle concerne également leur filiales, démembrements et partenaires commerciaux que sont les sous-traitants et les fournisseurs entre autres.
En France, c'est la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre qui incarne et réglemente ce devoir. Elle fut adoptée le 21 février 2017 à l'assemblée et validée par le Conseil Constitutionnel le 23 mars à l'issue d'un long processus parlementaire de 4 ans. Elle a pour principal objectif de redonner au respect des droits humains, ses lettres de noblesse, en la plaçant au cœur des préoccupations des multinationales et grands groupes. Elle concerne les sociétés françaises qui emploient plus de 5000 salariés et qui réalisent un chiffre d'affaires de plus de 100 millions d'euros. C’est la règle exigée par la loi Sapin 2. Sont également concernées celles qui emploient plus de 10.000 salariés, tout en ayant leur siège social dans n'importe quel autre pays dans le monde.
La loi sur le devoir de vigilance des entreprises, axe important de la démarche RSE permettant d'assurer des achats responsables et d'optimiser la protection de l'environnement, impose aux entreprises d'établir et de publier un plan de vigilance. Il est réaliser en prévention d'éventuels risques en matière de corruption, d'environnement et de droits humains, aussi bien concernant leurs propres activités que les activités de leurs filiales et sous-traitants dans l'Hexagone comme à l'étranger. Si globalement, la loi devoir de vigilance a été acceptée par la grande majorité de l'opinion publique, elle n'a pas forcément les faveurs du patronat, qui y voit le risque d'une baisse de compétitivité pour les entreprises. Cette loi française relative au devoir de vigilance des sociétés mères, a inspiré de nombreux autres pays du vieux continent.
Quant au plan de vigilance que doivent établir et publier les entreprises donneuses d'ordre et les sociétés mères relativement aux risques environnementaux, sociaux et de gouvernance auxquels elles font face, il doit, à compter du 1er janvier 2018, comporter :
- Une cartographie des risques par pays : elle a pour but d'identifier, d'analyser et de hiérarchiser les risques relevant de l'activité des sociétés mères ou donneuses d'ordre, ainsi que de leurs parties prenantes internes et de leurs parties prenantes externes.
- Des actions adaptées de minimisation des risques : il s'agit d'actions visant à réduire les risques d'atteinte grave aux droits humains ou l'environnement. A tous les niveaux de la chaîne de valeur, les entreprises doivent être auditées sur le plan social et environnemental.
- Des protocoles d'évaluation régulière de la situation de chaque partie prenante externe, liée à l'entreprise par une relation commerciale dûment établie.
- Un mécanisme d'alerte lorsque survient un risque.
- Un dispositif opérationnel de suivi des mesures de prévention mises en œuvre et l'évaluation de leur efficacité.
Eu égard à ces cinq axes principaux, il sied de remarquer que le plan de vigilance s'inscrit dans la droite ligne des exigences préconisées par les grands textes internationaux tels que celui relatif aux principes directeurs de l'OCDE à l'endroit des multinationales. Certaines entreprises se sont d'ailleurs déjà conformées à cette exigence. Celles qui n'ont pas encore adopté cette démarche ont conscience qu'il s'agit pour elles d'un impératif, dans la mesure où cela pourrait représenter une condition d'accès à certains marchés. L'élaboration d'un plan de vigilance est un avantage pour les entreprises qui peaufineront leur légitimité et leur image, parlant de transparence en entreprise et de responsabilité sociale des entreprises.
En cas de non-respect de la loi devoir de vigilance, notamment lorsqu'une entreprise ne parvient pas à établir et à publier un plan de vigilance, cette dernière s'expose à une mise en demeure de respecter ses obligations. L'initiative d'une telle démarche est laissée à la libre appréciation de toute personne ayant un intérêt à agir (associations de défense des droits humains ou de l'environnement, syndicats).
Au cas où l'entreprise ne respecterait pas ses obligations sur une période de trois mois à partir de la date de mise en demeure, le juge pourra l'enjoindre sous astreinte de respecter ses obligations. S'il est vrai que le conseil constitutionnel dans sa décision en date du 21 mars 2017 a censuré l'amende qu'avait prévue la loi en ce sens, les entreprises sont toujours enclines à des pénalités pécuniaires via cette astreinte fixée par le juge.
En outre, en matière de devoir de vigilance RSE, la loi prévoit une sanction entreprise engageant la responsabilité civile de l'entreprise. En effet, si l'entreprise manque à ses obligations (absence de plan, non-publication de plan, défaillance dans la mise en œuvre du plan), sa responsabilité civile peut être engagée. Elle serait aussi amenée à payer des dommages et intérêts aux victimes, seulement en cas d'absence, d'insuffisance ou de défaillance de plan.
Le respect des utilisateurs est autre composante à ne pas négliger dans la stratégie RSE d'une entreprise qui s'intéresse à son business ecosystem. Au regard de ces enjeux, la nécessité pour l'entreprise de se doter d'un cadre éthique et réglementaire se passe de commentaires. Une telle initiative permettrait aux entreprises, à travers le concept d'éthique en entreprise, de mettre en place un cadre de travail apaisé. Où la morale et le respect des valeurs éthiques sont privilégiés au détriment de toute autre action de nature à compromettre le bon fonctionnement et l'image des entreprises. Cela suppose une formation des collaborateurs à travers des mesures, communications et initiatives en tous genres, destinées à impliquer les différents acteurs de l'entreprise. L'élaboration d'une charte est aussi utile à cet effet. Elle facilite la mise en place d'un cadre réglementaire et mis à la disposition de tous, en vue de réduire les risques d'infraction.
Par ailleurs, le devoir de transparence et de prévention des risques est une responsabilité à la charge des entreprises. Elle se matérialise par la mise en œuvre, l'élaboration et la publication d'un plan de vigilance, conformément aux exigences de la loi Sapin 2, afin d'assurer la prévention des risques. L'élaboration de ce plan de prévention des risques doit cependant se faire dans le respect de cinq modalités, lesquelles sont indispensables à la validité d'un plan de de vigilance.